Le président de la République d’Artsakh, Arayik Haroutunian, a adressé une lettre aux chefs de tous les États membres du Conseil de sécurité de l’ONU, au secrétaire général de l’ONU, au président en exercice de l’OSCE, au président du Conseil européen, au secrétaire général du Conseil de l’Europe, ainsi qu’au Premier ministre de la République d’Arménie, les exhortant à remplir leurs obligations internationales et à mettre rapidement en œuvre des mesures efficaces pour faire cesser le blocus illégal et complet imposé à l’Artsakh par l’Azerbaïdjan, et pour mettre fin aux crimes de masse systématiques et des actes de terrorisme contre le peuple d’Artsakh.
La lettre non seulement transmet les attentes de la République d’Artsakh de chacun des destinataires, mais fournit également un aperçu de la situation actuelle. Ci-dessous un extrait des passages les plus importants de cette lettre :
« En tant que président de la République d’Artsakh (Haut-Karabakh), je lance un appel urgent à la communauté internationale au nom des pouvoirs et du peuple d’Artsakh. Je souhaite attirer votre attention sur l’escalade de la crise sécuritaire et humanitaire en Artsakh, qui évolue rapidement vers une véritable catastrophe. Cette situation désastreuse est le résultat direct des actions criminelles suivantes prises par l’Azerbaïdjan :
- Le 12 décembre 2022, à la suite du blocus illégal par l’Azerbaïdjan du corridor de Latchine (Kashatagh), qui relie l’Artsakh à l’Arménie et au monde extérieur, environ 120 000 habitants de l’Artsakh se sont retrouvés assiégés. En outre, environ 30 000 citoyens de la République d’Artsakh ont été privés de la possibilité d’exercer leur droit de retourner dans leur patrie ;
- Depuis lors, la circulation humanitaire de personnes et de marchandises à travers le corridor de Latchine a été exclusivement effectuée par le Comité international de la Croix-Rouge et les forces de maintien de la paix russes, avec une capacité très limitée et avec certaines perturbations périodiques, tandis que la circulation des véhicules appartenant aux résidents de l’Artsakh a été totalement interdite ;
- Depuis le 9 janvier 2023, l’Azerbaïdjan a interrompu l’approvisionnement en électricité par la seule ligne électrique entre l’Arménie et l’Artsakh, ce qui a causé d’importants problèmes énergétiques et humanitaires en Artsakh au cours des 185 derniers jours dont des coupures de courant quotidiennes de six heures, une diminution de 48 % de la consommation d’électricité et l’épuisement des systèmes locaux de production et d’approvisionnement en électricité. Depuis le 13 décembre 2023, l’Azerbaïdjan interrompt périodiquement, et depuis le 21 mars, de manière presque continue, l’unique voie d’approvisionnement en gaz de l’Artsakh depuis l’Arménie (pour un total de 148 jours), aggravant ainsi la crise énergétique et humanitaire ;
- Le 23 avril, l’Azerbaïdjan a établi un poste de contrôle illégal dans le couloir de Latchine à la frontière entre l’Artsakh et l’Arménie, imposant officiellement et ouvertement un contrôle militaire strict et arbitraire sur toute circulation ;
- Depuis le 15 juin, l’Azerbaïdjan a imposé un blocus complet du corridor de Latchine, interdisant le transport de toute personne ou marchandise (y compris de produits alimentaires, de médicaments, d’articles d’hygiène et de carburant) dans les deux sens, même par la Croix-Rouge et les casques bleus russes ;
- Du 25 juin au 10 juillet, le transport de patients ayant des besoins de soins médicaux urgents vers des centres médicaux en Arménie, ainsi que l’importation de certains produits pharmaceutiques en Artsakh, ont repris dans un volume très limité uniquement par l’intermédiaire de la Croix-Rouge. Cependant, depuis le 10 juillet, la circulation de la Croix-Rouge est de nouveau bloquée ;
- Pendant toute cette période, l’Azerbaïdjan a utilisé la force et la menace de la force contre le peuple d’Artsakh, avec des manifestations évidentes de haine ethnique et de terrorisme, et avec l’objectif manifeste d’un nettoyage ethnique ;
- En recourant à la force et à la menace de la force, l’Azerbaïdjan continue d’entraver les activités agricoles sur environ 10 000 hectares de terres adjacentes à la ligne de contact, qui constituent une part importante du total des terres cultivées ;
- La suspension de tous les approvisionnements humanitaires depuis le 15 juin, couplée à l’amenuisement des stocks nationaux limités, a entraîné une aggravation de la situation humanitaire, notamment :
- La pénurie alimentaire s’aggrave, d’autant plus qu’avant le blocus, environ 90 % de tous les vivres consommés étaient importés d’Arménie ;
- En raison de la diminution des réserves de carburant et d’autres ressources essentielles, environ 70 % des travaux agricoles prévus ont été interrompus, tandis que l’impact sur d’autres secteurs de l’économie est encore plus important ;
- Pour la même raison, le trafic des transports publics internes a été réduit d’environ 50 %, tandis que les moyens de transport privés sont quasiment à l’arrêt ;
- La pénurie croissante de médicaments, d’équipements et matériel médicaux et d’articles d’hygiène, associée à l’interdiction de transporter des patients vers l’Arménie, constitue une menace croissante pour la vie et le bien-être des personnes ;
- Les coupures de courant quotidiennes et les pénuries de carburant ont gravement affecté le fonctionnement des équipements médicaux, entraînant une diminution du volume et de la qualité des services de santé ;
- En raison du manque de produits alimentaires essentiels et de vitamines, environ 2 000 femmes enceintes et environ 30 000 enfants luttent pour survivre dans des conditions de malnutrition.
Les coupures de courant quotidiennes, les pénuries de carburant et d’autres produits essentiels provoquent des perturbations importantes de l’approvisionnement en eau et des infrastructures de télécommunication dans de nombreuses zones peuplées.
Le blocus et les perturbations de l’approvisionnement en électricité et en gaz jettent 12 000 personnes au chômage et privent de leurs moyens de subsistance, ce qui représente plus de 60 % de la main-d’œuvre du secteur privé.
Le blocus complet de la République d’Artsakh et son isolement du monde extérieur, poursuivis dans le but intermédiaire d’assujettir par la force le peuple d’Artsakh, aggrave la crise humanitaire et ouvre la voie à la transformation des crimes contre l’humanité que commet l’Azerbaïdjan en crime de génocide. Par ces agissements, l’Azerbaïdjan crée délibérément des conditions insupportables pour le peuple d’Artsakh, avec la claire intention de dépeupler la région et d’anéantir son peuple.
Les problèmes susmentionnés et de nombreux autres problèmes de sécurité et humanitaires constituent une menace croissante pour la survie du peuple d’Artsakh. La situation actuelle est très instable et est susceptible de se transformer rapidement en une catastrophe véritable, non seulement pour le peuple d’Artsakh mais pour toute la région.
Dans ces conditions nous constatons avec désolation que l’Azerbaïdjan continue de faire preuve d’un mépris assumé de ses obligations internationales, violant systématiquement les dispositions de la Déclaration trilatérale du 9 novembre 2020, de l’arrêt du 21 décembre 2023 de la Cour européenne des droits de l’Homme, et des ordonnances rendues par la Cour internationale de la Justice les 22 février et 6 juillet 2023. Les menées de l’Azerbaïdjan persistent malgré les demandes et les appels de nombreuses organisations internationales et États. Plus encore, encouragé par le sentiment d’impunité l’Azerbaïdjan poursuit de manière systématique ses agissements agressifs et criminels ».