Chers représentants de la communauté internationale,
Moi, Arayik Harutyunyan, Président de la République d’Artsakh (Haut-Karabakh), par ce message urgent, avertis qu’en ce moment le peuple de la République d’Artsakh est soumis à un génocide et fait face à une menace réelle de destruction et de spoliation de sa patrie.
Initiée par les autorités azerbaïdjanaises afin de contrôler la seule route reliant l’Artsakh à l’Arménie et au monde extérieur passant par le corridor de Lachin, la comédie qui a débuté le 12 décembre présentée comme une manifestation « d’écologistes » constituait en réalité le prélude au crime de génocide officialisé et systématisé le 23 avril grâce l’installation d’un poste de contrôle azerbaïdjanais illégal dans le corridor de Lachin. Le 15 juin, l’Azerbaïdjan a entièrement bloqué la route traversant le couloir de Lachin, soumettant ainsi complètement à un siège la République d’Artsakh et ses 120 000 habitants.
Cela fait maintenant près de huit mois que la population de l’Artsakh est privée de la possibilité d’une circulation ininterrompue, et dans les deux sens, à travers le corridor de Lachin, et depuis près de deux mois, y compris de la possibilité d’importer de la nourriture, des médicaments et tous autres biens vitaux par le Comité international de la Croix-Rouge et les troupes russes de maintien de la paix. Les actions de l’Azerbaïdjan violent non seulement les normes juridiques internationales universelles, mais également les actes juridiques internationaux spécifiques votés au sujet le corridor de Lachin, notamment le paragraphe 6 de la déclaration tripartite du 9 novembre 2020, les décisions juridiquement contraignantes sur le déblocage du corridor de la Cour internationale de justice des Nations unies et la Cour européenne des droits de l’homme.
Le blocus du corridor Lachin ne constitue pas un épisode isolé. Mais il doit être considéré comme faisant partie de la politique planifiée et systématique à grande échelle de l’Azerbaïdjan visant à détruire le peuple de l’Artsakh en tant que tel. Le blocus de l’Artsakh est une suite directe de l’agression militaire déclenchée par l’Azerbaïdjan en 2020 avec la participation directe de la Turquie et des organisations terroristes originaires du Moyen-Orient.
L’Azerbaïdjan poursuit donc avec constance une politique de suppression du droit à l’autodétermination du peuple d’Artsakh par la force, accompagnant ses actions de l’usage de la force et de violations massives des Droits de l’homme. Le but ultime de cette politique est de se débarrasser du peuple d’Artsakh et de mettre un terme à la question du droit du peuple d’Artsakh à l’autodétermination.
Dans ce même contexte, il convient également de prendre en compte les violations de l’Azerbaïdjan du statut d’État de l’Artsakh car la condition et les moyen le plus importants pour protéger le peuple de l’Artsakh et préserver ses traditions, ses valeurs, sa culture, ainsi que son développement normal, est l’existence d’un État national doté d’une subjectivité juridique internationale.
Plus de deux ans après l’annonce du cessez-le-feu, n’ayant pas atteint son objectif criminel consistant à expulser le peuple d’Artsakh de sa patrie par la force militaire, l’Azerbaïdjan poursuit sans relâche ses tentatives pour y parvenir non par la force militaire, mais par des méthodes tout aussi inhumaines.
L’installation d’un point de contrôle illégal dans le corridor de Lachin dont le but criminel évident était de limiter délibérément, puis d’arrêter complètement la circulation des personnes, des véhicules et des marchandises, qui assurerait une existence « normale » au peuple d’Artsakh, est devenue une nouvelle arme dans l’arsenal de l’Azerbaïdjan utilisé contre le peuple d’Artsakh. Vagif Khachatryan, citoyen de la République d’Artsakh, a été une victime directe de ce point de contrôle illégal. Il a été ouvertement enlevé par des militaires azerbaïdjanais alors qu’il était transporté à travers ce point de contrôle accompagné par le CICR, en violation flagrante des normes du droit international humanitaire.
En tentant de cacher ses intentions génocidaires, la partie azerbaïdjanaise propose de fausses alternatives pour prétendument atténuer le désastre humanitaire qu’elle a créé. La situation extrêmement difficile actuelle, pour laquelle l’Artsakh a désespérément besoin d’un soutien humanitaire et politique international, est une conséquence directe du blocus illégal par l’Azerbaïdjan du corridor de Lachin et du siège actuel du peuple d’Artsakh. Ainsi, l’Azerbaïdjan essaie de créer l’illusion que l’Artsakh n’est pas viable et dépend de l’aide étrangère. Avec leur offre d’une aide imposée, les autorités azerbaïdjanaises tentent de conquérir l’Artsakh et son peuple et de les rendre dépendants de l’Azerbaïdjan.
Cependant, il ne faut pas se tromper. L’offre d’une aide humanitaire de l’Azerbaïdjan à l’Artsakh est un autre moyen de mettre en œuvre le programme criminel de l’Azerbaïdjan qui conduirait à l’imposition de sa volonté, à une violation grossière de la dignité humaine et à d’autres conséquences criminelles qui résulteraient de l’assujettissement du peuple de l’Artsakh à l’Azerbaïdjan. Par de telles mesures, l’Azerbaïdjan vise également à empêcher le développement normal de l’Artsakh et l’amélioration du niveau de vie de sa population.
Les autorités azerbaïdjanaises elles-mêmes ne cachent pas que leur objectif est d’expulser la population arménienne autochtone d’Artsakh de sa patrie. Par conséquent, en mettant en avant cette perspective d’un prétendu règlement du conflit et l’ensemble de propositions qui en découlent, l’Azerbaïdjan tente de camoufler cette nouvelle manière de réaliser son intention génocidaire sous le voile de négociations.
Le pseudo agenda présenté par la partie azerbaïdjanaise concernant le début du dialogue entre Stepanakert et Bakou est en fait une tentative de légitimer les actes criminels de l’Azerbaïdjan. Nous percevons tout appel à encourager la participation de l’Artsakh à de telles négociations, sans médiateurs, ni garanties efficaces, comme une aide à la réalisation de la politique génocidaire de l’Azerbaïdjan. Dans ces conditions, la participation de l’Artsakh à de telles négociations serait l’acceptation et la légalisation d’un plan déguisé pour réaliser l’intention génocidaire de l’Azerbaïdjan
Pour garantir l’efficacité et la légitimité des négociations, il convient de s’assurer que les parties respectent au minimum les normes du droit international. De plus, tant les propositions visant à résoudre le conflit lui-même que les conséquences possibles de leur mise en œuvre doivent toujours être conformes aux principes du Droit international et aux valeurs universelles. Mais tous ces éléments sont ouvertement violés en toute impunité par l’Azerbaïdjan.
Pour sa part, l’Artsakh s’est toujours exprimé, et continue de le faire, pour l’ouverture de négociations viables et objectives, conformément aux normes et aux principes universels de justice, de dignité et d’égalité.
Notre position intangible est qu’il est nécessaire d’assurer des conditions favorables et égales pour les négociations. Puis, de commencer à se mettre d’accord sur un mécanisme international de négociation qui sera doté d’un mandat international adéquat et définira les normes du processus de négociation, toujours sur la base des normes du droit et des pratiques internationales. Dans le cas contraire, la proposition de négocier avec une partie qui ne renoncerait pas à son intention criminelle de détruire l’autre partie par tout moyen militaire, économique ou politique, ne peut faire l’objet de discussions.
Dans les actes de la Cour internationale de justice des Nations Unies et de la Cour européenne des droits de l’homme, dans les appels et déclarations régulièrement lancés par les structures internationales, les États et les organisations, tous sans exception constatent la réalité du blocus illégal du corridor de Lachine et soulignent la nécessité de rétablir la libre circulation dans cet espace. Mais aucune mesure concrète n’est prise. Dans le même temps, la création délibérée par l’Azerbaïdjan de conditions de vie insupportables dans le but de détruire physiquement le peuple d’Artsakh n’est rien d’autre qu’un crime de génocide, consistant en une intention criminelle et des actions claires. Ce fait est également constaté par des experts internationaux de premier plan tels que Luis Moreno Ocampo, le premier Procureur en chef de la Cour pénale internationale, dans son dernier rapport exhaustif.
La prévention et la répression du crime de génocide est une obligation universelle des États et chaque État doit produire des efforts énergiques et continus pour prévenir de tels crimes. Dans une telle situation, toute manifestation d’inaction ou d’indifférence n’est rien d’autre que l’apologie du crime de génocide. La communauté internationale est tenue de prendre des mesures individuelles et collectives actives pour empêcher l’Azerbaïdjan de rajouter à l’histoire de l’humanité d’une nouvelle page de famine de masses et de génocide.
En conséquence, j’exhorte vivement les acteurs internationaux à prendre dans le cadre de leurs obligations des mesures actives et efficaces pour arrêter le crime de génocide contre le peuple d’Artsakh,
En particulier,
– A la République d’Arménie.
● J’exhorte à soumettre immédiatement pour examen au Conseil de Sécurité de l’ONU la catastrophe humanitaire causée par le blocus du corridor de Lachin par l’Azerbaïdjan et du blocus illégal de l’Artsakh qui s’est transformé en crime de génocide afin d’adopter une résolution impliquant des mesures urgentes et concrètes.
● Je l’appelle à redoubler d’efforts pour soulever activement la question du blocage illégal du corridor de Lachin et du blocus illégal de l’Artsakh par le biais d’informations, de communications et d’autres plateformes afin d’informer la communauté internationale.
● J’exhorte les partenaires internationaux à discuter et à imposer des sanctions contre l’Azerbaïdjan afin de mettre fin aux crimes internationaux commis par ce dernier.
● Dans le même temps, j’appelle instamment les autorités de la République d’Arménie, les personnalités publiques et politiques à la prudence dans leurs déclarations publiques et dans leurs évaluations de la situation. Aucune déclaration ou action ne doit remettre en cause le droit à l’autodétermination du peuple d’Artsakh et ne doit contribuer à de nouvelles actions criminelles et agressives de l’Azerbaïdjan,
– A nos compatriotes de la diaspora.
● Je les exhorte à unir leurs efforts pour attirer l’attention des autorités et des sociétés de leurs pays sur les crimes internationaux qui se déroulent en Artsakh et pour exiger des mesures immédiates et efficaces pour les prévenir.
● Nous attendons de nos compatriotes de la diaspora qu’ils œuvrent dans les directions suivantes :
○ demander à leurs gouvernements de condamner fermement et de prendre des mesures concrètes pour accroître la pression sur l’Azerbaïdjan afin de lever le blocus de l’Artsakh,
○ d’exiger des gouvernements, des organisations de défense des droits de l’homme, des médias et des autres acteurs qu’ils évaluent et qualifient juridiquement les faits en désignant clairement l’Azerbaïdjan comme le responsable des crimes commis contre l’Artsakh,
○ demander aux gouvernements de discuter et d’imposer des sanctions contre l’Azerbaïdjan afin de mettre fin aux crimes internationaux commis par ce dernier.
– A la Fédération de Russie.
● En insistant sur l’importance de la présence de la mission russe de maintien de la paix en Artsakh, je l’appelle avec force à multiplier les efforts pour éliminer sans tarder le blocus illégal de l’Artsakh par l’Azerbaïdjan dans le sens du rétablissement du fonctionnement du Corridor de Lachin tel que défini par la déclaration tripartite du 9 novembre 2020
– Aux pays coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE : la Fédération de Russie, les États-Unis d’Amérique et la République française.
● Je les appelle avec force, en tant que pays directement impliqués dans le règlement du conflit et en même temps qu’États membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, à prendre des mesures actives dans le cadre de leur obligation première de stopper immédiatement le blocus illégal de l’Artsakh par l’Azerbaïdjan et de rétablir le fonctionnement ininterrompu du corridor de Lachin.
● J’appelle les pays coprésidents à déployer des efforts propres à chacun d’entre eux et en même temps conjoints pour créer un format de négociation solide doté d’un mandat international adéquat qui garantira la conformité du processus de négociation, de ses normes et du résultat final, conformément aux normes du droit international et des valeurs universelles.
J’espère du fond du cœur que les pays coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE feront preuve de cohérence dans le règlement pacifique et global du conflit entre l’Azerbaïdjan et le Karabakh et qu’ils s’efforceront activement de réactiver le mécanisme de négociation doté d’un mandat international pour le règlement du conflit.
– Aux États membres du Conseil de sécurité de l’O.N.U.
● Je vous exhorte à convoquer immédiatement une session du Conseil de sécurité de l’ONU pour discuter du génocide et de la catastrophe humanitaire causés par le blocus de l’Artsakh par l’Azerbaïdjan, ainsi que pour adopter une résolution qui obligera l’Azerbaïdjan à débloquer immédiatement le corridor de Lachin et à rétablir son fonctionnement conformément à la décision du 22 février 2023 de la Cour internationale de justice.
● En même temps, je vous rappelle que la prévention du génocide n’est pas seulement une obligation universelle (erga omnes) de chaque État, mais aussi la responsabilité collective de la communauté internationale.
– Au Secrétaire général de l’O.N.U.
● Je vous exhorte à faire preuve de responsabilité morale et politique et de dirigeant international et à mettre tout le système des Nations Unies en action pour arrêter la poursuite des crimes internationaux qui se déroulent en Artsakh.
● J’appelle le Conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la prévention du génocide et les autres structures concernées à soumettre au Conseil de sécurité des Nations Unies des informations factuelles et juridiques détaillées concernant les crimes internationaux commis en République d’Artsakh.
● Je lui propose d’apporter grâce à ses bons services une contribution efficace à la formation du mécanisme de règlement des conflits entre l’Artsakh et l’Azerbaïdjan.
– Au Conseiller spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la prévention des génocides.
● Je l’exhorte à lancer le mécanisme d’alerte anticipée sous son mandat, présentant ainsi la situation de crise créée en République d’Artsakh au Secrétaire général de l’ONU et, à travers lui, au Conseil de sécurité.
● prendre des mesures actives pour envoyer une mission d’enquête en République d’Artsakh afin d’évaluer les conséquences des crimes internationaux commis par l’Azerbaïdjan à travers le blocage illégal du corridor de Lachin,
– Au Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, au Haut-Commissaire aux réfugiés et aux autres structures des Nations Unies chargées de la protection des droits de l’homme.
● J’exige, dans le cadre de leur mandat, de fournir des évaluations juridiques des crimes commis par l’Azerbaïdjan contre le peuple d’Artsakh, de constater les violations massives des droits de l’homme et de présenter des informations factuelles et juridiques détaillées aux États membres du Conseil de sécurité de l’ONU et autres acteurs internationaux concernant l’aggravation de la crise des droits de l’homme en Artsakh.
– Au Comité international de la Croix-Rouge, en tant que seule organisation internationale présente en Artsakh et dotée d’un mandat international.
● J’exhorte tous les acteurs de la communauté internationale, et en particulier les États membres du Conseil de sécurité de l’ONU, à présenter des informations factuelles et juridiques détaillées sur la situation en Artsakh et les actions de l’Azerbaïdjan en violation flagrante des normes du droit international humanitaire.
– Au Conseil de l’Europe.
● Je vous exhorte à prendre des mesures actives et efficaces pour assurer la mise en œuvre immédiate de la décision juridiquement contraignante du 21 décembre 2022 de la Cour européenne des droits de l’homme de 2022.
● Je demande instamment que des mesures soient prises contre les violations flagrantes par l’Azerbaïdjan des trois piliers du Conseil de l’Europe : les Droits de l’homme, la Démocratie et l’État de droit, notamment en envisageant le retrait d’un tel État membre de l’organisation.
– A l’Union européenne.
● J’appelle l’UE à utiliser les ressources et les outils à sa disposition, dont l’adoption et l’application de sanctions, afin d’accroitre la pression sur l’Azerbaïdjan, lever le blocus de l’Artsakh et mettre fin aux violations massives des droits de l’homme.
● Je vous exhorte à adhérer aux valeurs et principes déclarés par l’Union européenne en vous abstenant de l’approche consistant à considérer le partenariat énergétique avec l’Azerbaïdjan comme étant au-dessus des droits de l’homme et des libertés,
– Aux organisations internationales de défense des Droits de l’homme et autres acteurs internationaux.
● Je vous exhorte à participer activement à la campagne de sensibilisation sur les violations massives et systématiques du droit international humanitaire et des droits de l’homme par l’Azerbaïdjan en Artsakh, en donnant des qualifications juridiques claires et en demandant aux gouvernements des États et aux structures internationales de mettre en œuvre des actions préventives appropriées.
– Aux représentants des médias internationaux.
● soulignant le rôle irremplaçable des médias indépendants dans la sensibilisation aux crimes de masse et leur prévention, je les exhorte, en restant fidèle à leur mission, à briser le silence inacceptable et à fournir des informations objectives à la communauté internationale sur les crimes de masse qui se déroulent en Artsakh, en essayant ainsi de briser la chaîne perverse de l’injustice et de l’impunité.
Chers représentants de la communauté internationale,
En résumé de mon message d’alerte, il vous faut considérer que l’Artsakh est maintenant la seule région au monde qui est complètement assiégée et à laquelle la communauté internationale n’a pas accès.
Ne vous demandez-vous pas quelle est la motivation de l’Azerbaïdjan pour soumettre le peuple pacifique de l’Artsakh à un isolement aussi complet ?
N’êtes-vous pas préoccupé par le fait que l’Artsakh est devenu non pas une zone grise en termes de protection des droits de l’homme, mais un trou noir, où tous les crimes connus des hommes peuvent se produire ?
Ne réalisez-vous pas qu’une telle impunité internationale et l’autorisation de nouveaux génocides engendreront de nouveaux crimes, peut-être même un jour contre vos propres peuples ?
Aussi, je vous demande à tous d’agir immédiatement et d’arrêter avant qu’il ne soit trop tard ce génocide du peuple d’Artsakh qui est actuellement en cours.
Stepanakert, mardi 8 Août 2023