Le 3 octobre accédant à la proposition des forces politiques représentées à l’Assemblée nationale le président de la République d’Artsakh Arayik Haroutunian a convoqué une session élargie du Conseil de sécurité avec de nombreux responsables politiques, des représentants de toutes les forces politiques présentes à l’Assemblée nationale et le primat du diocèse d’Artsakh de l’église apostolique arménienne.
Les récents développements militaires et politiques autour de la République d’Artsakh étaient à l’ordre du jour de cette réunion.
A l’issue des débats, le Conseil de sécurité de la République d’Artsakh a adopté à l’unanimité la déclaration ci-dessous :
“Préoccupés par les lourds défis auxquels les Artsakhiotes sont confrontés en raison des développements en cours dans le monde et dans la région,
Réaffirmant les positions des pouvoirs législatif et exécutif de la République d’Artsakh concernant l’avenir de l’Artsakh,
Se référant au message du président de la République d’Artsakh du 19 septembre dernier,
Tenant compte des évolutions qui ont suivi ce message, en particulier de la préoccupation qu’ont suscitées au sein de la population d’Artsakh les idées et points de vue exprimés par le premier ministre de la République d’Arménie lors d’un entretien télévisé diffusé à la télévision arménienne le 30 septembre,
à l’unanimité Le Conseil déclare :
1. Nous constatons qu’à l’issue de l’agression turco-azerbaïdjanaise de 2020 et des développements militaires et politiques des deux années qui l’ont suivie, nous sommes dans une situation où l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, s’est muni de leviers puissants dont il use de manière agressive pour réaliser ses objectifs maximalistes. Les agissements de l’Azerbaïdjan s’accompagnent de l’usage systématique de la force et du recours à la menace, de manifestations grandissantes d’une politique d’Etat de haine anti-arménienne et de nouvelles violations brutales des principes fondateurs du droit international. En usant de tous les moyens à sa disposition, l’Azerbaïdjan tente de s’assurer une position de pression et de dictat non seulement dans ses relations avec la République d’Arménie, mais aussi l’avortement de tout format et effort de règlement du conflit du Karabagh, déclarant qu’il réglera toutes ces questions par la guerre, alors que les pays coprésidents du Groupe de Misnk de l’OSCE et d’autres acteurs internationaux ont réaffirmé à maintes reprises et en formulations diverses l’existence du conflit et la nécessité de son règlement global.
2. La position de la République d’Artsakh a toujours été claire : le conflit du Karabagh doit être réglé sur la base de la reconnaissance entière et indiscutable du droit du peuple d’Artsakh à l’autodétermination et des résultats de la réalisation de ce droit. Il est indéniable qu’en 1991 le peuple artsakhiote s’est autodéterminé en conformité au droit international et des normes constitutionnelles de la législation soviétique, l’Artsakh n’ayant ainsi jamais fait partie de l’Azerbaïdjan. A ce titre, la non-reconnaissance internationale de la République d’Artsakh ne signifie pas une non-existence de la République d’Artsakh et des droits naturels du peuple artsakhiote. Malgré toutes les difficultés et les défis, nous restons fidèles à notre choix de vivre dans notre patrie et d’être maître de notre destin.
3. La sécurité durable et stable de l’Artsakh doit être assurée aussi bien par ses propres moyens de défense que par une mission de maintien de la paix russe à durée indéterminée et l’ensemble des moyens possibles dont dispose la République d’Arménie. L’amélioration de nos propres moyens de défense est un travail continu qui concentre toute notre attention. Quant à la mission de maintien de la paix russe, malgré les défis apparus au cours des derniers mois, elle reste la garantie internationale principale de la sécurité du peuple d’Artsakh. Dans ce contexte, les tentatives de détériorer les relations traditionnelles avec nos alliés naturels nous paraissent extrêmement dangereuses.
4. La République d’Artsakh et les Arméniens d’Artsakh restent fermement engagés aux côtés de l’Etat de la mère-Arménie et de son peuple pour relever ensemble tous les défis car c’est ce qu’exigent nos valeurs et nos intérêts nationaux. Nous sommes conscients que la signature éventuelle d’un traité de normalisation des relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan peut être une base solide pour l’avenir de la souveraineté et de la sécurité de la République d’Arménie ainsi que pour la stabilité et la paix dans notre région. Néanmoins, compte tenu de la présence inévitable dans ces relations des intérêts d’une partie intégrante de la nation arménienne, des Arméniens d’Artsakh et de l’importance de ces intérêts, nous soulignons que nous considérerons inacceptable tout document susceptible d’ignorer l’existence du conflit du Karabagh, de mettre en danger les perspectives d’un règlement juste de ce conflit et de limiter les possibilités de la reconnaissance du droit du peuple d’Artsakh à l’autodétermination et des résultats de réalisation de ce droit y compris en subordonnant ce droit au principe de l’intégrité territoriale. Dans ce contexte, il nous paraît important que lorsque lors des différents échanges entre les autorités de la République d’Arménie et de la République d’Artsakh, le premier ministre de la République d’Arménie présente au président de la République d’Artsakh les détails des négociations internationales, le président de la République d’Artsakh à son tour expose à celui-ci les positions des autorités d’Artsakh y compris son désaccord le cas échéant.
5. Durant les trois décennies passées, la logique comme les mesures prises concrètement dans le combat du peuple arménien pour sa liberté et le processus de consolidation de notre souveraineté se basaient aussi bien sur la mobilisation du potentiel national que sur une appréciation objective de l’appui politique de nos amis et alliés. Tenant compte de l’expérience positive du passé, nous considérons que la manifestation de l’union nationale reste le meilleur moyen nous permettant de relever les lourds défis auxquels le peuple arménien est confronté aujourd’hui. Nous avons toujours été extrêmement sensibles au soutien continu de la République d’Arménie et de son peuple à la République d’Artsakh, sans lequel nous n’aurions jamais connu les nombreuses victoires du passé. Aussi, la préservation et le renforcement de la triple union Arménie-Artsakh-Diaspora ne peut avoir d’alternative. Les intérêts nationaux exigent qu’indépendamment de tout contexte, la mère Arménie doit rester aux côtés de l’Artsakh en toutes entreprises, surtout s’agissant des garanties de sécurité du peuple d’Artsakh et de la reconnaissance internationale de son droit à l’autodétermination.
6. Il est indéniable que l’avenir de l’Artsakh appartient à tout le peuple arménien, et les intérêts de l’Arménie et de l’Artsakh doivent être appréhendés comme un ensemble indivisible. Compte tenu notamment du contexte après-guerre et des défis actuels, nous soulignons que tant que la République d’Artsakh n’est pas entièrement intégrée au processus international de règlement du conflit comme principale partie au conflit, la République d’Arménie est engagée et mandatée à représenter et à défendre les droits et les intérêts du peuple d’Artsakh sur la scène internationale. Ces obligations et ce mandat sont consacrés par de nombreux documents internes comme internationaux, dont ceux de l’OSCE ainsi que la déclaration tripartite du 9 novembre 2020. Aussi, sommes-nous prêts à mener des négociations avec l’Azerbaïdjan pour le règlement du conflit, sous réserve de rétablissement du format complet des négociations où la République d’Artsakh est reconnue comme partie de plein droit.
Les autorités de la République d’Artsakh continueront à suivre très attentivement les développements dans le monde et dans notre région et prendront les mesures adaptées pour la gestion des risques qui en découlent ».